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L'ambassadeur Amara Camara: " délivrer un passeport à un citoyen guinéen, n’est pas une faveur. C’est un droit"

L'ambassadeur Amara Camara:
0 commentaires, 29 - 12 - 2018, by admin

Bientôt huit ans depuis qu’il a été nommé au poste d’ambassadeur de la République de Guinée en France, son excellence Amara Camara a accordé une interview à votre quotidien d’informations en ligne www.guineerealite.com. Le diplomate guinéen a mis l’occasion à profit pour parler des difficultés auxquelles il est confronté et faire des propositions aux autorités guinéennes. Lisez !
Excellence, voilà presque huit ans que vous êtes ambassadeur de la Guinée en France. Parlez-nous des difficultés auxquelles vous êtes confronté depuis que vous êtes ?
Amara Camara: " le gros souci du moment, c’est l’explosion du nombre de Guinéens en situation irrégulière et l’explosion des mineurs dit isolés d’origine guinéenne. Ces deux phénomènes ne s’expliquent pas, ni par les conditions politiques au pays, ni par les conditions économiques. Contrairement à ce que nos parents pensent, l’eldorado européen est un mirage. Il faut trouver du travail pour vivre. Vous avez vu les gilets jaunes. Déjà, eux même n’arrivent pas à s’en sortir. Si nous venons grossir les rangs, sans formation, pensant qu’on va trouver du travail facilement, ce n’est pas évident.
Autre sujet qui me préoccupe, c’est l’utilisation de nos documents par les étrangers. Il serait souhaitable que la police guinéenne fasse le tri entre les vrais et les faux documents en circulation. L’immigration étant devenue un thème sensible au niveau politique, si nous voulons aider les démocraties républicaines, nous devrons mener des campagnes de sensibilisation depuis les pays de départ nos parents sur les conditions de vie très difficile de ces immigrés.
J’ai pris l’initiative, avec certains intellectuels africains, de faire un document sur l’immigration à présenter à nos Etats pour qu’ils vulgarisent d’abord les notions de l’immigration. Personne n’est contre l’immigration. Mais il faut que cela soit légal et que les pays d’accueil soit préparé. C’est très important. Donc, nous sommes en train de travailler sur ce document".
Est-ce que les conditions de vie au pays ne poussent pas souvent ces jeunes compatriotes à fuir pour l’Europe dans l’espoir de trouver mieux ?
" Mais, ce ne sont pas les pauvres qui immigrent. Il faut beaucoup d’argent pour le faire. Donc, c’est cette classe moyenne et cette classe aisée qui encouragent le phénomène de l’immigration sans se rendre compte. Généralement, ceux qui sont tentés par l’immigration sont mal formés ou sans aucune formation. Ils vont se retrouver dans une situation difficile comme c’est le cas en ce moment pour la plupart de nos compatriotes.
Il y en a qui vendent leurs concessions pour envoyer leurs enfants en Europe. Mais, une fois qu’il finit avec l’argent de la concession, il fait quoi ? Voilà pourquoi, on doit sensibiliser, expliquer aux gens la réalité sur le terrain ici. Si celui qui a l’équivalent de mille euros à Kankan, dans ma ville natale, peut vivre heureux. Il a tout pour être heureux. L’argent qu’ils dépensent pour venir en Europe, s’ils se créaient des conditions d’une entité de production, ils gagneraient davantage au lieu de venir les perdre ici et perdre eux-mêmes. Ici on vient pour chercher quelques choses. Se former, se soigner, mais pas pour venir rester. L’Europe n’est plus comme avant".
Quel serait le rôle des autorités pour réduire ce flux migratoire ?
" Dénoncer, unanimement. C’est pour la cause guinéenne, ce n’est pas pour la cause d’un parti politique. Ce n’est pas une bonne chose ni pour les candidats à l’immigration clandestine encore moins pour le pays. Qu’on n’en fasse pas un problème politique. Vous êtes journaliste, je ne connais pas de pays dans la sous-région où les régimes sont aussi critiqués que vous le faites tous les jours en Guinée. Je suis navré. La presse est libre, et quand on a cette liberté-là, on a également la liberté d’entreprendre".
Monsieur l’ambassadeur, vous parliez des documents falsifiés dont certaines personnes utilisent au nom de la Guinée. Est-ce que vous avez été interpellé sur cette question ici ?
" Oui, j’ai été interpelé plusieurs fois. Et, plusieurs fois, j’ai dénoncé le fait. Vous êtes à Paris, aller à Château Rouge, vous pouvez acheter n’importe quel document guinéen. C’est sur cette base que je refuse d’établir le moindre document à partir d’un jugement supplétif. Ces documents sont vendus au vu et au su de tout le monde. Nous sommes là en train de nous battre pour rendre notre pays attractif et ces faux documents ternissent l’image de la Guinée. Je me suis toujours battu pour la Guinée".
Est-ce que ce phénomène n’est pas entretenu par des structures étatiques, au sommet même de l’administration guinéenne ?
" Ça m’étonnerait que ça soit au niveau du sommet de l’Etat. Il s’agirait plutôt d’un réseau bien huilé, oui. Parce que les cachets, les papiers entête sont fabriqués. Au nombre des faux documents guinéens figure le permis de conduire. Le ministre des transports a dit devant les députés que les 80% des permis guinéens sont faux. A tel point que quand nos enfants sont arrêtés ici pour contrôle de papiers, dès qu’on voit un permis guinéen, il est réputé faux jusqu’à preuve du contraire. Et, moi je n’ai aucun moyen de l’authentifier".
Depuis qu’on est passé à la biométrie, qu’est ce devenu le stock de nos anciens passeports ?
" J’ai dit à l’immigration française ici si vous trouvez un passeport au-delà de telle date, il est réputé faux, parce qu’on émet plus les passeports non biométriques. C’est un combat au quotidien pour l’image du pays".
Est-ce que vous avez pris langue avec les autorités compétentes, notamment le ministre de la sécurité sur l’établissement de ces faux documents ?
" J’ai déjà parlé avec plusieurs anciens ministres de la sécurité. J’ai assisté à des entretiens entre le chef de l’Etat et les autorités françaises qui ont évoqué ce problème-là. En marge de ces rencontres j’ai réagi en tant qu’ambassadeur. Mais seulement c’est un problème qu’il ne faut pas minimiser. Les gens pensent que c’est un petit problème. Non ! Il est très important, parce qu’à la longue ça pourrait jouer sur la coopération. Il y a des pays qui ont basculé dans l’extrême droite qui vont avoir des réticences à favoriser le partenariat avec l’Afrique. Et c’est maintenant que ça se prépare".
Selon nos informations, les Guinéens vivant en France ont des difficultés à avoir des passeports biométriques sur place. Qu’en est-il ?
" Vous savez avec les passeports biométriques, la présence physique pour les empreintes est nécessaire. En France, pour renouveler, prolonger ou délivrer un titre de séjour, il faut un passeport en cours de validité. Grâce à la compréhension de certaines préfectures, nous sommes parvenus à résoudre ce problème. Nous avons eu 3 ou 4 missions venues de Conakry pour délivrer des passeports. Mais ces missions sont parties il y a longtemps et les besoins sont réels. Nous sommes renseignés. Avec la technologie, c’est possible. Nous pouvons avoir une machine ici qui prélève des empreintes, qu’on transfert électroniquement à Conakry, qui émet sur cette base là des passeports avant de nous les envoyer. La Côte d’ivoire le fait déjà. Et si nous ne le faisons pas, nos compatriotes vont être dans des situations très difficiles. C’est très important pour la communauté qu’on trouve une solution pour les passeports. Ce n’est pas une faveur, c’est un droit.
On ne peut pas demander un citoyen de partir à Conakry pour uniquement se faire délivrer un passeport alors que les moyens techniques nous le permettent maintenant. A la limite, je ne demande même pas d’argent. On va financer seulement le budget pour l’acquisition de cette machine. Pour cette partie de l’Europe: Espagne, Portugal, Italie, Belgique, Angleterre, Pays-Bas peuvent venir à Paris plus facilement que d’aller jusqu’à Conakry. Et c’est une question d’argent, ils peuvent envoyer un commissaire de police, n’importe lequel. L’intéressé pourra encaisser l’argent sans associer un personnel de l’ambassade. L’essentiel pour moi est que nos compatriotes aient leurs passeports. C’est le combat que je mène".

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