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Silence, l' Afrique oublie ses héros et ses martyrs

Silence, l' Afrique oublie ses héros et ses martyrs
0 commentaires, 15 - 5 - 2023, by admin

Par Venance Konan
La France a commémoré le 8 mai dernier la fin de la Seconde Guerre Mondiale qui avait vu la victoire des forces alliées sur les nazis allemands.
Les Russes qui faisaient eux aussi partie des Alliés, ont commémoré pour leur part cette victoire le 9 mai. En Afrique, personne ne s’est senti concerné par ces commémorations. Parce que nous avons simplement oublié que des milliers de nos parents et grands-parents avaient eux aussi pris une part très active dans cette guerre. On les appelait tous, qu’ils soient Ivoiriens, Congolais ou Maliens, les tirailleurs sénégalais, tant, à cette époque, noir était noir, et tout Noir était sénégalais.
Dans toutes nos villes nous avons construit des monuments aux morts, mais personne parmi nous ne sait à quels morts ils sont dédiés. Eh bien si cela vous intéresse, lisez ce qui est écrit sur ces monuments, pour ceux qui portent encore ces textes, et vous verrez : « A nos morts des guerres 1914-1918 et de 1939-1945. »
Ces monuments avaient été construits durant la colonisation par les Français, sur le modèle des monuments qu’ils avaient érigés dans leur pays pour commémorer leurs morts. Après notre indépendance, nous les avons tout simplement recopiés, sans penser à nos morts à nous, ou, si nous y avons pensé, sans l’expliquer à nos populations. Le résultat est que nous avons oublié nos tirailleurs, le rôle qu’ils ont joué dans les guerres de la France, et surtout la manière dont ils furent récompensés après. Et vous pouvez aller voir ce qu’il advenu de ces monuments dans nos villes de l’intérieur.
Le lendemain 9 mai, en France toujours, on a commémoré la déclaration de Robert Schuman, qui est considéré comme l’acte fondateur de l’Union européenne. A cette occasion, plusieurs évènements ont été organisés dans toute l’Europe, dans l’optique de renforcer cette union des peuples européens.
Qui sait chez nous quand a été fondée l’Union africaine (UA) ou son ancêtre l’Organisation de l’Union africaine (OUA) ?
Et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ?
Qu’avons-nous organisé un jour pour rappeler simplement aux Africains l’existence de ces organisations, et leurs rôles ?
Cela ne nous intéresse absolument pas. L’UA et la CEDEAO vivent leurs vies, et les populations africaines vivent leurs vies. Chacun de son côté.
Le 10 mai, en France encore, est la « journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition. » La France qui fut une des plus grandes nations esclavagistes demeure à ce jour le seul pays qui a déclaré la traite négrière et l’esclavage « crimes contre l’humanité » et à avoir décrété une journée nationale de commémoration.
L’esclavage dont il est question est celui de nos ancêtres qui furent enlevés à leur terre par millions pendant plusieurs siècles. Aucun pays africain ne s’est jusqu’à présent senti concerné par cette histoire et encore moins par sa commémoration. Aucun pays africain ne le considère comme un crime.
Il existe encore en Côte d’Ivoire, à Sassandra notamment, des lieux où les esclaves furent parqués avant d’être entassés sur les bateaux et emmenés en Amérique, comme la célèbre île de Gorée au Sénégal. Que faisons-nous pour conserver cette mémoire ?
Quelle mémoire avons-nous gardée de ce qu’on appela « les travaux forcés » et qui furent abolis dans toute l’Afrique par l’un des nôtres, notre premier président Félix Houphouët-Boigny ?
Rien ! Nous avons tous oublié que c’est en 1946 que la loi qui porte le nom de celui que nous appelons le « père de la nation ivoirienne » fut votée par l’Assemblée nationale française. Et c’est ainsi que le fils de Yamoussoukro fut vénéré dans toute l’Afrique francophone.
Et nous, Ivoiriens, n’avons pas compris la nécessité de commémorer cet évènement qui devrait nous remplir de fierté. Dans notre république laïque, il nous apparait plus important de commémorer les évènements marquants de la vie de Jésus et du Prophète Mahomet que ceux de notre propre histoire. Pour ma part, je reste toujours persuadé que l’on ne peut bien préparer le futur que lorsque l’on est bien ancré dans son histoire.
Pourquoi les Juifs mettent-ils autant de zèle à préserver le souvenir de la Shoah ?
C’est pour que cela ne se reproduise plus jamais. Jusqu’à ce jour l’esclavage des Noirs continue, et même sur notre terre africaine, parce que les Noirs Africains que nous sommes en avons fait un non-évènement. Pour notre salut, faisons un effort pour marquer les jalons de notre histoire. Pas pour détester qui que ce soit, mais plutôt pour construire avec les autres un futur plus sain. Soyons, nous aussi, des acteurs actifs de notre avenir. Il en va de notre survie.

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