Guinée : la corruption n'a pas baissé, elle est devenue un apanage ( El Béchir )
Par El Béchir
Avant le putsch, l'argent ruisselait sur toutes les couches sociales en Guinée.
Avec la junte, drainé à flots au sommet de l'édifice, l'argent y ressemble au vaste océan de Neptune. Et, par une paupérisation subséquente et voulue, il forme le Sahara à tous les étages inférieurs.
Refondation, lutte contre la corruption et l'enrichissement illicite, dit-on. Mais les actions parlent plus que les paroles, et les chiffres plus que les allégations.
Selon l'Indice de perception de la corruption (IPC) 2022 – dont les résultats ont été publiés par Transparency International le 31 janvier 2023, la Guinée de l'année 2022 est classée 147e pays le plus corrompu sur 180. Et ce niveau de corruption est perçu pour le seul secteur public, avec une note de 25 sur 100 en matière de lutte contre la corruption dans ce secteur, c'est-à-dire 5 sur 20. Une très mauvaise note et un paradoxe, puisque depuis un an et demi on nous rabâche cette antienne : sous la direction éclairée, austère et impartiale des nouvelles autorités, plus aucun commis de l'État ne peut grappiller dans les deniers publics ou amasser des biens mal acquis.
Dès lors, en ce qui concerne la Guinée actuelle, voici la seule explication possible au classement 2022 de la très sérieuse ONG allemande Transparency International, qui définit la corruption comme "l'abus d'un pouvoir reçu en délégation à des fins privées" : en vérité, une poignée de personnes haut perchées s'est grandement ouvert les aqueducs de la corruption structurelle, a fermé toutes les vannes de la corruption conjoncturelle au reste de l'Administration publique et empêche tout ruissellement sur les 14 millions d'âmes que sont les autres Guinéens. C'est à peine si cette masse informe et noire existe à leurs yeux, sinon comme une population cible pour une propagande médiatique à visées électoralistes cousues de fil blanc.
L'enrichissement illicite est devenu une chasse gardée. Nouvelle oligarchie, nouvelle plèbe misérable. Manguè nênè, kaamè nênè.
Comme dans le film La Grande Bouffe, on mange à huis-clos au sérail et plus que de raison. Parallèlement, on laisse le populo crever la dalle et mourir d'inanition.
Comme dans la pièce Ruy Blas, de Victor Hugo : "Bon appétit ! messieurs !"
Vrai ou faux, selon l'ex député Aboubacar Soumah, Alpha Condé aurait laissé 1,5 milliard de dollars US à la banque pour la réalisation de certains projets de son troisième mandat, écourté. Si cela est vrai, le peuple guinéen doit savoir quelle part de cet important dépôt a été utilisée dans les infrastructures routières réalisées ou est destinée aux chantiers engagés sous cette Transition – projets et chantiers dont le financement était entièrement dégagé par Alpha Condé, il faut le dire, même si maints aspects de sa gouvernance sont condamnables – mais aussi et surtout, on doit savoir où est la part restante.
En tout cas, jamais la gestion des ressources publiques n'a été aussi opaque depuis la Transition du CNDD.
El Béchir
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