Chute d’Alpha Condé : les révélations de l’ancien ministre Tibou Kamara
Depuis son exil, Tibou Kamara publie le tome 1 de « Coup d’État contre Alpha Condé : La tragédie du pouvoir, la comédie des Hommes. » Un livre de 288 pages qui survole la décennie de gouvernance de celui qui fut son patron et ami.
A la chute d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021, l’auteur du livre avait une triple casquette : porte-parole du gouvernement, ministre d’État conseiller personnel du chef de l’État, ministre de l’Industrie et des PME. C’est donc une personnalité clé de l’ancien régime qui témoigne dans une Guinée où l’omerta est souvent la règle chez ceux qui ont pourtant des choses à dire.
« Coup d’État contre Alpha Condé : La tragédie du pouvoir, la comédie des Hommes » démarre sur les dernières heures ayant précédé le putsch du 5 septembre 2021. Après sa réélection pour un troisième mandat controversé, l’ancien président développe une confiance aveugle. Convaincu que le mal ne viendra que de son opposition, Alpha Condé reste sourd aux nombreuses alertes de son entourage, dont les ministres de la Défense Mohamed Diané et du Budget Ismaël Dioubaté, sur les velléités subversives du chef d’état-major général des armées d’alors, le général Namory Traoré.
Ce dernier voulait-il le pouvoir pour lui-même ?
Selon l’auteur, après l’échec des négociations conduites par l’ancien gouverneur de Conakry Mathurin Bangoura, Mamadi Doumbouya a dû user de la force pour obtenir le ralliement de Namory Traoré. « La force arrêta la force, le meilleur l’emporta dans un duel à distance […] sans qu’aucun combat ne soit livré entre prétendants au même pouvoir », écrit Tibou Kamara. Aujourd’hui, alors que Doumbouya est au Palais Mohammed V, Traoré s’est consolé d’un poste d’ambassadeur de la Guinée au Maroc. Un exil sans nom ?
Tout sauf Cellou Dalein et Sidya
Le coup d’État de 2021 intervient dans un contexte difficile : tensions sociopolitiques suite aux élections controversées de l’année précédente ; le Covid-19 qui sévit ; une situation économique difficile avec l’augmentation des prix des produits pétroliers… Alpha Condé veut détendre l’atmosphère, dialoguer et travailler mais sans ses rivaux politiques Cellou Dalein Diallo de l’UFDG et Sidya Touré (UFR), qu’il tance d’avoir « un comportement criminel ». Il va jusqu’à dire que ses opposants voulaient éliminer un patriarche pour lui faire porter le chapeau, rapporte l’auteur. Il soupçonnait en outre certains pays de la sous-région (Sierra Leone, Guinée-Bissau, Sénégal…) de leur servir de base arrière, d’où la fermeture des frontières terrestres nationales.
Le patron du groupe Hadafo Médias, Lamine Guirassy, décrit comme un visiteur assidu du palais présidentiel Sékhoutouréya, aurait un moment trouvé porte close chez Alpha Condé. Ce dernier serait mécontent d’un « de ses correspondants basés à Boké » accusé d’inciter à des émeutes. Même que l’ancien président avait mobilisé des fonds pour contribuer à doter Hadafo Médias « d’un siège digne de sa réputation. » L’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana aurait également déboursé pas moins de 50 000 euros, pour éponger des dettes de l’entreprise de presse et lui éviter la fermeture, révèle l’auteur.
Proximité Alpha & Dansa
Le livre évoque par ailleurs comment des proches de Cellou Dalein Diallo avaient basculé et s’échinaient à débaucher des militants de l’UFDG au profit du RPG au pouvoir : « Depuis un moment, le Président s’épanchait à propos des profils et des critères pour les nouvelles nominations à des postes de responsabilité publique. Il venait de m’apprendre que le processus était prévu pour les heures à venir, en m’indiquant clairement l’échéance. Parmi les personnalités pressenties figuraient des Guinéens de l’étranger, de jeunes cadres du pays, hommes et femmes, mais aussi des opposants, pour la plupart issus des rangs de l’UFDG. Il citait, pêle-mêle, Diouldé Sow, ancien député de Pita, déjà coopté dans le cabinet du Président avant une confirmation officielle, Ousmane Gaoual Diallo, en séjour médical à Paris, Alpha Boubacar Bah, et bien d’autres. »
Bah Oury, ancien vice-président du parti exclu, aujourd’hui Premier ministre, était également prêt à prendre un poste ministériel, après avoir été gracié et autorisé à rentrer en Guinée par Alpha Condé, témoigne l’auteur.
Tibou Kamara témoigne aussi de la proximité de l’actuel président du CNT, Dansa Kourouma, avec l’ancien président : « Dansa Kourouma était un habitué du palais, parmi les visiteurs du soir du Président. Il le rencontrait régulièrement en aparté. Le Président m’a confié qu’au sein de la société civile, il était d’un précieux concours. »
Un compte-rendu non exhaustif d’un livre plein de révélations notamment sur comment les autorités déchues ont prêté allégeance à la junte de Mamadi Doumbouya. L’ouvrage est vendu à 225 000 francs guinéens.
In Le Lynx

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