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Repères : que retenir des événements du 22 novembre 1970 en Guinée ?

Repères : que retenir des événements du 22 novembre 1970 en Guinée ?
0 commentaires, 22 - 11 - 2025, by admin

Par Thierno Saïdou Diakité
Dans la nuit du 22 novembre 1970, la Guinée faisait l’objet d’une agression armée de la part de « mercenaires étrangers et nationaux ». L’attaque fut marquée par le débarquement à Conakry d’un contingent de 400 mercenaires dont 200 commandos et fusiliers marins de l’armée coloniale portugaise.
Un groupe d’environ 200 Guinéens de Conakry faisait partie de l’expédition. Les Guinéens venus avec les assaillants de l’armée portugaise étaient tous membres du Front National de Libération Guinéen (FNLG) – un mouvement hostile au régime du Parti Démocratique de Guinée (PDG) et son leader Ahmed Sékou Touré, alors au pouvoir en Guinée. Cette opération militaire portait le nom de code « Mar Verde ».
Qu’est-ce qui justifiait cette agression et quels étaient ses objectifs ?
Quelles sont les leçons que les Guinéens peuvent tirer de cet évènement de leur histoire ?
La présente réflexion tente de répondre à ces questions parmi d’autres. Les données que nous utilisons pour étayer les faits sont de sources portugaises. Pour nombre de personnes, l’agression portugaise de 1970, qui a laissé de profonds stigmates dans la mémoire des Guinéens, visait uniquement le renversement du régime du PDG. Ce qui n’était vrai que partiellement.
Cette version est la plus connue parce que le gouvernement portugais d’alors, pour éviter d’exacerber la colère de l’opinion internationale, avait voulu cacher son implication dans l’invasion de la République de Guinée. Cette démarche du gouvernement de Marcelo Caetano, qui avait pris la direction du Portugal après la mort du dictateur Salazar devait sa raison à deux motifs. D’une part, le Portugal avait déjà assez de problèmes avec l’ex-URSS et ses alliés au sujet des guerres qu’il menait pour se maintenir en Angola et au Mozambique.
D’autre part, les Etats-Unis d’Amérique – membre influent de l’OTAN – voyaient d’un mauvais œil la pérennisation de la colonisation portugaise en Afrique, après les séries d’indépendances des années 1960. Selon des archives, le Portugal ne bénéficiait donc que du support de la France, de l’Allemagne Fédérale et, dans une moindre mesure, de celui de l’Espagne.
Il était donc dans l’intérêt de Lisbonne de ne pas être mêlé, de près ou de loin, à l’attaque contre la République de Guinée. C’est donc dans le dessein de garder l’anonymat que le Portugal avait habillé les membres de l’expédition Mar Verde avec des treillis différents de ceux de ses troupes régulières. N’eût été la désertion du Lieutenant Janeiro et de ses hommes, la Commission d’Enquête des Nations Unies – établie dans les jours qui avaient suivi l’invasion – aurait difficilement établi la responsabilité du Portugal quant à l’attaque contre la République de Guinée.
La République de Guinée avait perdu environ 500 de ses fils et filles, y compris des civils, militaires et miliciens. En plus de ces pertes de vies humaines, l’incursion lui avait également causé d’importants dégâts matériels. En outre, l’agression avait mis à nu les limites de l’armée et des services guinéens de renseignement et, de manière générale, celles du jeune Etat guinéen.
Sous l’effet de la psychose Portugaise, le gouvernement guinéen – dans la légalité et la légitimité que lui conférait son statut – avait pris des mesures musclées contre les personnes qu’il soupçonnait d’être de connivence avec l’ennemi. Les répressions du gouvernement avaient été interprétées comme « justes » par les supporteurs du PDG tandis qu’elles avaient été décriées comme « odieuses » par ceux du FLNG. Cette dissension entre les opinions avait élargi le fossé qui séparait déjà les Guinéens au détriment de la cohésion nationale.
Aujourd’hui, il ne sert à rien d’occulter un pan important de notre histoire récente. Cet exercice revient désormais au gouvernement, qui devra l’inscrire impérativement dans son agenda politique. Surtout que bon nombre des acteurs de cette tragédie sont encore en vie. Dans un souci de rétablir la vérité historique dans la perspective d’une véritable réconciliation nationale, la lumière devrait être faite sur les douloureux événements du 22 novembre 1970, ainsi que sur la brutale et sévère répression qui s’en suivit. Dans cette optique, la partie carcérale de l’ex camp Boiro aurait due être conservée par devoir de mémoire à l’intention des générations présentes et futures. Ne dit-on pas « qu’un peuple sans histoire est un arbre sans racines ».

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