Retrouvez en temps réel et en continu des infos inédites sur le site phare de la Guinée

Chemin de fer Conakry-Kankan: Cessons d’accuser gratuitement !

Chemin de fer Conakry-Kankan: Cessons d’accuser gratuitement !
0 commentaires, 13 - 10 - 2025, by admin

Par Ibrahima Jair Kéïta
De parents cheminots et ayant passé toute ma jeunesse dans cet univers, voici ce que je sais.
Avec l’espoir que cela peut aider à la réflexion.
Le chemin de fer Conakry-Niger a été construit au début du siècle dernier par le régime colonial français. À sa conception, il devait joindre Bamako, comme le Chemin de fer Dakar-Niger, afin de relier les 3 pays continentaux de l’AOF (Mali, Burkina et Niger qui en est terminus.
?Le chemin de fer a bien prospéré durant la période coloniale, jusqu'au milieu des années 60.
Après l’indépendance en 1958, les techniciens français ont été contraints de quitter la Guinée. L’entreprise, nationaliséé, a porté le nom ONCFG (Office National des Chemins de Fer de Guinée).
Dès lors, le renouvellement des locomotives, des wagons, des voitures et l’acquisition des pièces de rechange ont été les premières difficultés de l’ONCFG.
La France refuse tout à la Guinée.
Le Gouvernement Guinéen est obligé de se tourner vers l’Allemagne de l’Ouest pour acquérir les AUTORAILS vers 1960-61, pour le transport exclusif des voyageurs. Des ingénieurs et techniciens Guinéens comme Ahmadou Condé (mort au camp Boiro en 1973), ont été formés en Allemagne à cet effet.
Pendant que AUTORAIL (fruit de la coopération avec la RFA) faisait la fierté de l’ONCFG, les locomotives, Wagons et Voitures subissaient l’usure du temps. Malgré l’ingéniosité des techniciens Guinéens, la brusque rupture avec la France se fait ressentir à partir du milieu des années 1960.
Le train bananier n’existe presque plus. Pour cause : les exploitants français des nombreuses plantations de banane sur le corridor Coyah-Kindia-Mamou ont quitté le pays dès 1959, sur injonction du gouvernement français. Certaines de ces plantations ont été pulvérisées de produits toxiques, compromettant la fertilité des sols.
Pour sa part, le TRAIN MARCHANDISES a perdu sa régularité et sa ponctualité pour deux raisons : la vétusté des locomotives et des wagons d’une part, et d’autre part, la faiblesse du flux commercial. Nous sommes à un moment où la Guinée s’oriente de plus en plus vers le Socialisme : elle venait de proclamer la VOIX DE DÉVELOPPEMENT NON CAPITALISTE. L’Etat devient peu à peu le principal producteur, le principal distributeur et le principal acteur économique.
De 5 à 6 voyages journaliers au début de l’indépendance, l’ONCFG parvenait à peine à faire un voyage journalier entre Conakry et Kankan.
Pour les voyageurs, les deux AUTORAILS maintenaient le cap avec le confort requis jusqu'à la fin des années 1960. Durant les années 1970, le Chemin de fer guinéen n’était plus performant.
Le Gouvernement s’est tourné vers les États-Unis, par le biais de la CBG, pour obtenir deux locomotives neuves afin de relancer les trains marchandises et voyageurs. Plus puissantes que les locomotives françaises, ceux deux Super BB étaient insuffisantes pour relever le défi.
Par ailleurs, la voie ferrée (héritée de la coloniale) présentait des signes évidents d’usure. Les rails, les traverses, les ballast, les ponts métalliques, les matériels roulants et autres, n’ont pas été renouvelés et maintenus, faute de moyens. La dernière solution du Gouvernement a été la création de RAIL-ROUTE durant la seconde moitié des années 1970.
RAIL-ROUTE est une entreprise annexée à l’ONCFG pour le transport, par voie routière des marchandises, sur le corridor du Chemin de fer. En 1980, RAIL-ROUTE a montré ses limites : manque de rentabilité et défaut de maintenance des camions. L’État ne peut continuer à subventionner.
À la mort du Président Sékou Touré, le Chemin de fer était agonisant. Sous la deuxième République, le chemin de fer s’est éteint. Ses restes mortels ont été vandalisés par un réseau d’hommes en uniforme, entre autres. Les rails, les traverses et les ballast ont tous été enlevés, vendus et exportés.
Les immobilisations des gares sont abandonnées.
À la même époque, même les couvercles métalliques des caniveaux de Kaloum ont été enlevés et vendus. Personne n’a osé lever le petit doigt, parce que les auteurs de ces actes étaient des hommes en uniforme très proches du pouvoir. Ils étaient les intouchables de l’époque.
Il n’y avait que les vieux cheminots et nous les fils de cheminots qui pleurions du fond du cœur.
Contrairement à certains commentaires, le chemin de fer n’est pas un acquis du 1er régime. Il est un héritage de la colonisation que le 1er régime a géré de son mieux.
Il faut savoir que :
1- le blocus de la France contre la Guinée a eu un impact négatif sur l’évolution de notre chemin de fer.
Pour la France, il s’agissait de tuer l’économie guinéenne par ce chemin de fer qui servait de support à la réputation des exportations des produits tropicaux d’une ancienne colonie devenue rebelle.
2. Le 1er régime (celui de Sékou Touré) a le mérite de tenter la relance avec la RFA (les AUTORAILS début 1960), les USA (locomotives super BB années 1970) et la création de RAIL-ROUTE.
Malheureusement, il n’a pas pu faire prospérer ces expériences sur le long terme. Le 2ème régime (celui de Lansana Conté), fortement influencé par la Banque mondiale, le FMI, la France et les autres partenaires étrangers, n’a pas accordé au Chemin de fer l’attention nécessaire en ces années 1980-1990.
Les priorités étaient trop nombreuses pour un pays qui peinait à payer ses fonctionnaires. En plus, un chemin de fer ne peut pas fonctionner sans subventions de l’État. Même dans les pays qui ont voté OUI en 1958, le chemin de fer n'est plus qu’un lointain souvenir.
En Afrique, il n'y a que les pays du septentrion et le l’Afrique du Sud qui ont réussi à maintenir et faire prospérer le chemin de fer.
La plus grande faute du 2ème régime aura été
1. de n’avoir pas maintenu le train de la Banlieue au moins, pour fluidifier la mobilité urbaine.
2. d’abandonner les infrastructures ferroviaires et de les laisser vandalisées par le réseau de personnes connues à l’époque.
Les auteurs de ce vandalisme n’étaient ni les Cheminots ni les Ministres.
Aucune enquête n’a été menée.
Personne n’a été sanctionnée.
C'est un crime !
La courte transition DADIS-KONATÉ a un grand mérite. À peine installé, le Général Mathurin, alors Ministre des Transports, a vite fait de relancer le train de la Banlieue, en lançant CONAKRY-EXPRESS sur la voie de chemin de fer de RUSSAL. Ce train continue de servir les Conakrikas à ce jour dans un état peu reluisant.
Le régime du Président Alpha Condé, a donné espoir à toute la Guinée pour la relance du Chemin de fer. Il nous a promis avec fermeté la construction du chemin de fer Conakry-Bamako.
Les voyages à Conakry des Présidents Brésilien Lula Da Silva (construction de la voie par la société VALE) et Malien IBK (corridor Conakry-Bamako) nous ont rassurés.
Hélas. Rien n’a été fait. Pire, même le train de la banlieue CONAKRY-EXPRESS, hérité du duo Dadis-Konaté, a été laissé pour compte. De l’histoire de notre chemin de fer, sortons de la politique politicienne.
Cessons d’accuser gratuitement.
Cessons d’encenser démesurément.
Ne mélangeons pas les genres dans le débat.
Pour bien avancer, soyons objectifs et projetons-nous sur le futur.
La relance du Chemin de fer et son prolongement sur Bamako pourrait avoir un avantage pour notre économie agricole et pour nos relations économiques avec le Mali. Sauf que le Chemin de fer Conakry-Bamako pourrait coûter plus de 5 milliards de Dollars US. Pour ce faire, il n’y a qu’une seule piste de solution : la coopération avec la Chine.
Comment faire ?
Remettre sur le tapis la belle initiative que Alpha Condé a abandonnée, à peine initiée : FAIRE UN TROC AVEC LA CHINE : BAUXITE CONTRE CHEMIN DE FER ! L’exécution d’une convention de ce genre pourrait être soumise à la surveillance et la Supervision d’un Cabinet international indépendant d’expertise, pour conférer à la production et à l’exportation leurs vraies valeurs en vue de la compensation.
La part de la Guinée dans les exportations viendra en compensation des investissements pour le nouveau chemin de fer. En plus du réveil de la production locale, la Guinée aura la chance de bénéficier de plus de 60% du fret malien. Orientons le débat sur cet angle, au lieu de passer le temps à nous invectiver.
C'est ce que je crois.

0 Commentaires

Publiez le 1er commentaire pour cet article !

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas mis en ligne. Les champs avec un * sont obligatoires.
ENVOYER