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RPG–UFDG, une alliance sous tension : entre calcul politique et trahison de mémoire

RPG–UFDG, une alliance sous tension : entre calcul politique et trahison de mémoire
0 commentaires, 9 - 10 - 2025, by admin

L’alliance de circonstance entre le RPG/Arc-en-ciel et l’UFDG, ou du moins entre le Professeur Alpha Condé et Elhadj Cellou Dalein Diallo, continue de semer le doute et la discorde dans les deux camps.
Dès son annonce, perçue par beaucoup comme une entente contre nature, elle a ravivé de vieilles blessures et mis à nu les fractures internes au sein des deux formations. Chez les militants du RPG/Arc-en-ciel, la réaction fut immédiate. Nombreux sont ceux qui ont jugé illogique de pactiser avec des adversaires qui, pendant plus d’une décennie, n’ont cessé de les combattre.
Pire encore, ces mêmes adversaires avaient applaudi et dansé le 5 septembre 2021, jour du coup d’État militaire qui a renversé leur président. Pour beaucoup, cette alliance ressemble à une trahison morale.
Certains vont jusqu’à dire qu’ils préféreraient encore composer avec Mamadi Doumbouya, le tombeur de leur leader, que de s’associer à l’UFDG, qu’ils qualifient de diable politique. D’après eux, le pouvoir n’aurait fait que « quitter la chambre pour le salon », puisque le président du CNRD, par ses attaches familiales et notamment maternelles, est plus proche de la galaxie RPG.
Du côté de l’UFDG, le malaise n’est pas moindre. D’abord silencieux, des militants ont fini par exprimer leur désarroi face à cette alliance jugée ambiguë. Par respect pour la ligne fluctuante de leur leader, beaucoup avaient choisi de se taire. Mais tout a basculé le samedi 4 octobre dernier, lorsque Elhadj Cellou Dalein Diallo, en meeting dans le Bronx à New York, a publiquement confirmé entretenir d’excellentes relations avec son ancien adversaire juré.
Devant une centaine de militants dans une salle, en présence de deux communicants du RPG/Arc-en-ciel, il a relaté une conversation avec Alpha Condé en ces termes : « Mon grand frère Alpha Condé m’a demandé : “Cellou, comment peux-tu applaudir un coup d’État ?” J’ai répondu : Non, c’est ton départ que j’ai applaudi, parce que tu créais trop de problèmes à la démocratie. » Et de conclure avec assurance : « Aujourd’hui, on se parle régulièrement, je vous le dis et je l’assume. »
Ces mots ont eu l’effet d’une déflagration dans les rangs. Les militants les plus radicaux – ou les plus lucides, selon les points de vue – ont dénoncé une trahison. Pour eux, assumer une telle proximité revient à cracher sur la mémoire des victimes du régime d’Alpha Condé, celles-là mêmes qui reposent au cimetière de Bambéto. Les réseaux sociaux se sont aussitôt embrasés. Les uns fustigent la "dérive morale" du leader de l’UFDG, les autres tentent tant bien que mal de défendre une alliance stratégique censée préparer la chute des militaires au pouvoir. Mais même parmi ses partisans les plus fidèles, nombreux estiment qu’Elhadj Cellou Dalein Diallo aurait pu s’épargner ces propos et préserver une certaine dignité politique. À les entendre, il sacrifie la mémoire des morts pour sauver une alliance dont la viabilité reste incertaine.
Cet épisode confirme une fois de plus les limites politiques du leader de l’UFDG. D'un entregent certain mais piètre stratège, il peine à maîtriser les codes de la realpolitik. Son nouvel allié, le Professeur Alpha Condé, qu’il combattait hier, le sait mieux que quiconque. Ce dernier disait déjà, en son temps, parlant de lui sans le nommer, qu’« un petit comptable s’est retrouvé à la tête d’un grand parti par le hasard de l’histoire ».
Les communicants de l’UFDG, aujourd’hui chargés de justifier la bourde politique, se retrouvent face à une mission quasi impossible.
Comment convaincre des militants dont l’engagement relève de la foi et du souvenir, et non du calcul politique ?
Même les deux communicants du RPG présents à la rencontre du Bronx, désormais soupçonnés de rouler pour l’adversaire d’hier, peinent à apaiser les colères dans les deux camps.
Car, au sein du RPG/Arc-en-ciel également, le désenchantement est palpable. La direction fait mine d’ignorer les défections successives vers le CNRD, mais la base ne se voile plus la face. Le dernier référendum a montré une mobilisation sans équivoque en faveur du Général Mamadi Doumbouya, signe que la fidélité à l’ancien régime s’effrite. Le parti, déjà affaibli par les divisions et par l’absence de leadership fort, peine à retrouver sa cohésion. L’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, perçu comme ayant le charisme nécessaire pour assurer la relève du RPG/Arc-en-ciel, croupit depuis plus de trois ans en prison pour une sombre affaire de détournement qu'un procureur peine à prouver et établir clairement.
À trois mois de l’élection présidentielle, la scène politique guinéenne s’apparente à un champ de ruines. L’opposition se déchire sur des alliances improbables, tandis que ses principaux leaders ne figurent même pas sur la liste électorale. Cette confusion ouvre un boulevard au CNRD et à la "mouvance présidentielle", qui, malgré une anarchie organisationelle, un désordre notoire et une stratégie politique défaillante, n’ont désormais plus en face d’eux une véritable force d’opposition capable de les contester. La probabilité est forte que le scrutin de décembre 2025 reproduise le même scénario que le référendum de septembre, avec un score massif en faveur du pouvoir.
Le temps joue contre l’opposition. Trois mois ne suffiront pas à redresser la machine, encore moins à bâtir une stratégie crédible. Ne lui restera peut-être qu’à rejeter les résultats du scrutin, comme elle l’a fait pour le référendum et pour la légitimité même du CNRD depuis le 31 décembre 2024.
La politique guinéenne n’a jamais manqué de rebondissements, et celle-ci en est la preuve éclatante. Entre amnésie collective, alliances paradoxales et rivalités recuites, elle continue d’écrire son histoire à coups d’improvisation et de contradictions. À moins d’un miracle – ou d’un retournement spectaculaire – le tandem controversé RPG/Arc-en-ciel-UFDG risque bien de finir là où tant d’alliances guinéennes ont échoué, dans le grand cimetière des illusions politiques.

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