Quand la religion devient otage du politique… ( Tribune )

Une mise en garde respectueuse à l’attention d’Elhadj Ibrahim Bah
Elhadj Ibrahim Bah, avec toute la considération que mérite votre rang et votre savoir, je souhaite rappeler une vérité essentielle : l’Islam est au-dessus de toute œuvre humaine. Aucune Constitution rédigée par les hommes ne peut prétendre être en « parfaite harmonie » avec la Parole divine.
Il faut d’abord rappeler que j’ai été membre de l’AMEEG (Association des Musulmans Élèves et Étudiants de Guinée), dont vous avez été à la tête. Cette expérience me permet de m’adresser à vous avec respect, tout en partageant mon inquiétude sur certaines positions.
L’Islam tire sa légitimité du Coran et de la Sunna, et non d’un texte politique. Comme Allah l’affirme : « Nous avons fait descendre sur toi le Livre comme un exposé explicite de toute chose, un guide, une miséricorde et une bonne annonce aux Musulmans » (Sourate An-Nahl, v. 89). Cette Révélation n’a nul besoin de l’approbation d’une Constitution, écrite avec des limites humaines et des intérêts particuliers.
Dire qu’une Constitution peut être en parfaite harmonie avec l’Islam inverse l’ordre des priorités. Ce sont les lois humaines qui doivent s’inspirer des principes coraniques, et non l’inverse.
Votre position soulève une question : si demain une nouvelle Constitution apparaît, sera-t-elle, elle aussi, proclamée en parfaite harmonie avec l’Islam ?
Cette logique risque de transformer la religion en simple caution politique, alors que le Coran nous met en garde contre ceux qui détournent le message divin pour des intérêts terrestres (Sourate Al-Baqarah, v. 79).
Certes, vous ne rédigez pas un livre, mais associer sans réserve l’autorité religieuse à un texte politique revient à fragiliser la pureté du message islamique. Le rôle de l’imam est de rappeler les valeurs éternelles de justice et de vérité, non de valider les choix changeants du pouvoir.
L’Islam n’a jamais eu besoin de Constitution pour exister et s’imposer à travers les siècles. Il puise sa force dans sa vérité divine, et non dans la reconnaissance des hommes. Affirmer le contraire risque de semer la confusion chez les fidèles, qui pourraient croire qu’une critique politique équivaut à une critique de la religion. C’est un piège dangereux qui instrumentalise la foi.
Allah nous commande : « Ô vous qui avez cru ! Soyez fermes pour Allah et soyez des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Soyez justes : cela est plus proche de la piété » (Sourate Al-Ma’idah, v.).
La justice impose de séparer clairement le sacré du politique. Elle exige de préserver l’indépendance de la religion face aux intérêts du moment. Votre légitimité d’imam ne se renforce pas en soutenant le pouvoir, mais en gardant la dignité et la liberté de votre parole spirituelle.
La véritable harmonie entre l’Islam et la société ne vient pas de déclarations de complaisance, mais de l’application sincère et rigoureuse des valeurs coraniques : justice, équité et vérité, même si cela déplaît aux puissants.
Abdoul Karim Diallo
Ancien membre de l’Association des Musulmans Élèves et Étudiants de Guinée (AMEEG)
0 Commentaires
Publiez le 1er commentaire pour cet article !