Sonko, le vrai diplomate du peuple face aux faux apôtres de la Françafrique ?

Par Abou Maco
Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a endossé son manteau de diplomate militant et entamé une tournée sous-régionale à fort parfum géopolitique.
En deux semaines à peine, l’homme s’est rendu successivement au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et en Guinée, traçant un sillon diplomatique là où d’autres ont semé la méfiance. L’objectif déclaré : raviver les braises de la fraternité ouest-africaine, renforcer le bon voisinage, et surtout détendre les tensions latentes entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, dans une dynamique d’ouverture entre l’Alliance des États du Sahel (AES) et les pays restés dans la CEDEAO.
Mais en agissant ainsi, Sonko ne marche-t-il pas sur les plates-bandes de son président, Bassirou Diomaye Faye, que la CEDEAO avait déjà désigné pour une mission similaire, restée lettre morte ? Peut-être pas. Car là où Diomaye Faye inspire la méfiance, Sonko inspire encore confiance. Là où le président sénégalais traîne le soupçon d’un alignement ambigu sur les injonctions de Paris, son Premier ministre, lui, incarne encore aux yeux des peuples et des dirigeants de l’AES, une certaine authenticité panafricaine. Comme qui dirait, il a le bénéfice du doute...
Il faut dire que les signaux envoyés par le président sénégalais n’ont rien fait pour dissiper les appréhensions. Depuis son fameux tête-à-tête à l’Élysée avec le chef de la junte française, sa posture semble de plus en plus floue. Le délai interminable pour le départ des troupes françaises du Sénégal – désormais annoncé pour fin 2025 –, les discours en demi-teinte, et l'opacité entretenue autour de la dénonciation de la convention léonine de non-double imposition en faveur des entreprises françaises renforcent cette image d’un épouvantail républicain, brandi pour calmer les foules mais inoffensif face aux vieux schémas néocoloniaux.
Au sein de l’AES, le sentiment prévaut donc : Bassirou Diomaye Faye est perçu, à tort ou à raison, comme un nouveau maillon de la Françafrique, habillé en habits panafricanistes. À l’inverse, Ousmane Sonko, qui n’a jamais dissimulé ses positions souverainistes, conserve une forme de crédibilité. Son passage à Conakry s’inscrit dans cette logique : renforcer les ponts entre la CEDEAO et l’AES sans renier les aspirations des peuples à plus de dignité, de souveraineté et de coopération équilibrée.
Il faut souligner que la Guinée a été le seul pays de la CEDEAO à refuser d’appliquer les sanctions illégitimes, illégales et inhumaines contre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Mieux encore, elle s’est opposée sans ambiguïté aux velléités d’intervention militaire de l’organisation sous-régionale au Niger. Dans ce contexte, Conakry représente un allié de poids pour Sonko dans sa tentative de redéfinir les équilibres diplomatiques en Afrique de l’Ouest.
Mais l’homme n’est pas dupe : il sait que le retour de l’AES dans la CEDEAO n’est pas à l’ordre du jour. Contrairement à un Diomaye Faye prompt à suivre les consignes de l’Élysée dans l’ombre des ors républicains, Sonko entend plutôt créer les bases d’un dialogue sincère entre blocs sous-régionaux, en misant sur le respect, l’équilibre, la souveraineté et la volonté des peuples. Une posture qui s’inscrit pleinement dans l’esprit du panafricanisme qu’il revendique depuis toujours.
Dans cette recomposition en cours de l’espace ouest-africain, Ousmane Sonko ne se contente pas de faire de la figuration. Il avance ses pions avec lucidité, sans renier ses convictions. Et si l’histoire donne parfois raison à ceux que l’on a d’abord qualifiés de "trublions", alors il se pourrait bien que ce soit lui — et non l'épouvantail du palais de la République du Plateau — qui redonne un souffle politique aux relations CEDEAO-AES. Car le destin des peuples africains ne peut plus se dessiner entre les salons feutrés de Paris et les discours formatés des faux prophètes du changement.
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