Affaire Marouane: RSF et plus de 100 journalistes demandent des explications au Palais Mohamed 5

Le 3 décembre 2024, le journaliste Habib Marouane Camara a été arrêté par des gendarmes présumés et emmené vers une destination inconnue. Depuis, aucune nouvelle. Après six mois d’attente insoutenable, 105 journalistes africains et organisations de défense de la liberté de la presse rassemblés par Reporters sans frontières (RSF) interpellent les autorités guinéennes : où est Habib Marouane Camara ?
Le 3 décembre, aux alentours de 20h10, le journaliste Habib Marouane Camara, propriétaire et administrateur général du site d’information Le Révélateur 224, est en route vers le domicile de l’homme d’affaires Kerfalla Person Camara, à Lambanyi, une commune de la capitale Conakry, lorsqu’un pick-up de gendarmerie intercepte son véhicule. Des hommes armés en tenue de gendarme l’assomment avant de le conduire vers une destination inconnue, selon les informations recueillies par RSF. Six mois après cet enlèvement violent, ni ses collègues, ni ses proches, ni la communauté journalistique n’ont de nouvelles de lui.
Rassemblés par RSF, 94 journalistes africains et 11 organisations de défense de la liberté de la presse se mobilisent pour lancer un appel aux autorités guinéennes afin qu’elles s’expriment publiquement et clairement sur le sujet et qu’elles mettent tout en œuvre pour libérer le journaliste. Ce dernier, malade, nécessite un traitement médicamenteux quotidien, selon sa femme.
La liste des signataires comprend des grandes figures de la presse africaine, telles que le directeur de publication du journal gambien The Point, Pap Saine, le fondateur de la Fondation pour le journalisme d’investigation (FIJ) au Nigeria, Fisayo Soyombo, ou encore le fondateur et directeur du groupe de presse Iwacu au Burundi, Antoine Kaburahe. Des organisations de défense des droits des journalistes, solidaires et préoccupées par le sort du journaliste, ont aussi rejoint RSF et apportent leur soutien, à l’instar du Comité pour la protection des journalists (CPJ), de la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) ou encore de l’Alliance des Médias pour les Droits Humains en Guinée (AMDH).
Si la raison exacte de son enlèvement demeure inconnue, Habib Marouane Camara est perçu comme un journaliste critique des autorités militaires au pouvoir, avec une liberté de ton assumée. Il les interpellait régulièrement et a notamment abordé sur sa page Facebook, les disparitions forcées, en juillet, des activistes Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah. Avant que le média ne soit interdit de diffusion en mai 2024, il co-animait une émission à Djoma TV et Djoma FM. Quelques jours avant son enlèvement, les avocats du journaliste avaient déclaré qu’il avait “reçu des menaces d’enlèvement imminent par un groupe d’individus inconnus”.
Restriction de la presse en Guinée
Depuis sa disparition, RSF se mobilise pour retrouver Habib Marouane Camara. L’organisation a saisi la rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique au sein de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), principal organe veillant à la protection des droits humains en Afrique. Le 3 mai, RSF s’est exprimée devant la CADHP à Banjul pour que la Commission interpelle le gouvernement afin qu’il s’exprime sur son sort.
Cette disparition s’inscrit dans un contexte particulièrement inquiétant pour la presse en Guinée : malgré leurs engagements, les autorités ont ordonné en toute illégalité le retrait des agréments d’exploitation de quatre radios et de deux chaînes de télévision privées en mai 2024.
La Guinée est le pays qui a connu la plus grande chute dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF cette année : avec 25 places de perdues sur 180 pays et territoires, elle figure désormais au 103e rang.
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