Aliou, je voudrais tout d’abord te présenter mes excuses pour ne pas t’avoir encore soutenu dans cette éprouvante épreuve que tu traverses dans les couloirs obscurs de la maison d’arrêt de Coronthie, au nom de la liberté d’expression, d’adhésion et de pensée. Mais comme le dit un dicton, il vaut mieux tard que jamais.
À présent, je suis là, là où tu m’as connu, là où j’ai toujours été lorsqu’il s’est agi de défendre les valeurs fondamentales de notre patrie. Là où toi, moi et les autres camarades nous rejoignons idéologiquement pour braver le totalitarisme, surtout celui dont le CNRD a prématurément accouché.
Ce coup d’État stérile ne s’est-il pas présenté à nous le 5 septembre comme un coup salvateur et une opportunité pour notre patrie ?
N’a-t-il pas été orchestré pour réparer les torts du passé ?
N’a-t-il pas sonné comme un remède contre l’injustice, la corruption, le trafic d’influence et même le repli identitaire?
Voilà quelques serments qui nous ont poussés à accorder le bénéfice du doute à ces loups-garous déguisés en agneaux.
Devant mon silence, ma conscience me gronde. Devant notre silence, le pays sombre dans le népotisme et brille dans le clientélisme. Devant notre abstention et notre désunion, les putschistes du CNRD désacralisent leur serment et brisent individuellement les ailes de notre révolution. Il y a eu Sadiba, Célestin, Foniké, Billo, Marouane et tant d’autres, tous réduits au silence, un silence éternel, et cela dans le seul but d’asphyxier les voix dissidentes et dissonantes.
Aliou, je sais qu’il t’arrive de douter, oui, c’est humain. Je sais qu’il t’arrive de questionner l’univers sur la quintessence de ton combat pour un peuple qui se détourne de l’essentiel et se contente du peu, lorsqu’on vide son magnétoscope mental de sa meilleure substance de réflexion pour remplir son magnétoscope ventral d’excréments sans vidange.
Combien ont-ils trahi la lutte, Aliou ?
Combien faisaient le m’as-tu-vu sous les couleurs de notre lutte pour, ensuite, faire les yeux doux au même régime ?
Ont-ils lâché prise pour servir une prétendue république qui répond aux attentes du peuple ? LOL !
Pas besoin d’égrener les maux que nous combattions ensemble, pas besoin de rappeler qu’ils n’avaient juste pas eu d’aubaine pour se rallier au régime d’Alpha Condé, car ce sont ces mêmes opportunités qu’ils cherchent et acquièrent aujourd’hui avec ce régime folklorique, qui commet plus de crimes que celui que nous combattions hier. Ce sont nos amis d’hier qui conspirent contre nous aujourd’hui, qui conspirent contre toi, Aliou.
Mais laisse-moi te dire que la conspiration des hommes obéit à la conspiration de l’univers, car l’homme, sous le coup de la folie, oublie qu’il agit sous un ordre divin, supérieur à sa conscience et à son intelligence.
Laisse-moi te dire, Aliou, qu’au sein des peuples, il y a des tâches que Dieu ne confie ni au plus robuste, ni au plus puissant, ni même au plus populaire. Noé était le plus grand ivrogne de son époque, mais c’est à lui que Dieu confia l’arche de l’alliance.
Dieu prépare ses missionnaires à la résilience. Il les prépare à la patience et à l’endurance, parce que la prophétie peut parcourir l’univers durant un demi-siècle avant de s’accomplir. Tu ne peux ni abjurer, ni éluder, ni te dérober de la mission à cause de son caractère divin. On est dans cette mission, tu es dans cette mission.
N’attends rien du peuple : il peut ne même pas te mentionner dans son livre, parce qu’on le maintient sciemment dans des conditions extrêmement précaires pour l’empêcher de réfléchir et de soutenir des hommes comme toi, comme Foniké, Billo et Marouane.
On l’empêche d’enterrer dignement Célestin et Sadiba. On l’empêche même de pleurer ses enfants tombés le 5 septembre 2021 pour une prétendue rectification de notre modèle social, économique et politique bâti par l’ancien régime.
Modèle social : Tuer l’ethnie parce que les Guinéens ne se parlaient plus, disaient-ils.
Modèle économique : Mise en place de la CRIEF pour lutter contre la corruption et sécuriser les sources d’entrée étatique, disaient-ils.
Modèle politique : Conduire la transition sans aucune chasse aux sorcières et organiser des élections de la base au sommet auxquelles ils ne seraient pas éligibles, puis repartir dans les casernes au bout de trois ans et demi, disaient-ils.
C’est avec ce discours amphigourique qu’ils nous ont emberlificotés. Je te donne rendez-vous dans pas longtemps : on se retrouvera et on en parlera. Respire un bon coup et dis merci au roi de l’univers qui t’a sauvé d’une conspiration visant à te réduire éternellement au silence. Notre peuple, qui a toujours répondu à l’appel du panafricanisme et de la souveraineté assumée, devient aujourd’hui la risée des autres peuples qui refusent d’abdiquer face à l’ordre établi par l’impérialisme.
Pour terminer, je citerai un dicton russe qui dit que ceux dont le destin est de finir pendus ne se noient pas.
Sois fort. La victoire n’est pas loin.
Ton frère,
Élie Kamano