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L’Union africaine, une institution dépassée par les crises du continent

L’Union africaine, une institution dépassée par les crises du continent
0 commentaires, 17 - 2 - 2024, by admin

L’organisation qui se réunit pour sa 37e session ordinaire à Addis-Abeba peine de plus en plus à parler d’une seule voix. Le rôle que jouent les entités sous-régionales en est l’une des causes.
« Je me pose la question et vous la pose : depuis quand et pour combien de temps l’édifice tiendra-t-il ? ». Le président la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, n’en est pas encore à qualifier l’organisation panafricaine de « machin », comme l’avait fait en 1960 le général de Gaule à propos de l’ONU, mais il ne dissimulait pas son inquiétude mercredi 14 février, lors de son discours prononcé à l’ouverture du sommet. Une trentaine de chefs d’Etats sont attendus à Addis-Abeba jusqu’au 19.
Percutée par les crises qui secouent le continent, l’Union africaine peine de plus en plus à parler d’une seule voix. Pourtant, les enjeux de paix et de sécurité seront absents de l’agenda officiel du sommet, au profit de thèmes plus consensuels, tels que le libre-échange, des questions budgétaires. Pour l’année à venir, le thème choisit est : « L’éducation d’une Afrique adaptée au XXIe siècle. »
« Les conflits seront officiellement peu abordés mais seront omniprésents dans les discussions de couloirs », estime un cadre de l’institution, qui déplore qu’ils ne fassent pas l’objet de réunions formelles. Les tensions entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) depuis la reprise de l’offensive du M23 le 7 février, derrière laquelle Kinshasa voit Kigali, constituent toujours l’une des principales préoccupations sécuritaires du continent, à laquelle est venue s’ajouter la guerre civile soudanaise, les tensions dans la Corne de l’Afrique et, plus récemment, les coups d’Etat au Mali, au Niger et au Burkina Faso.
Le recul de l’influence de l’organisation
« Se déroule un nouveau phénomène d’affaissement qui frappe presque toutes les communautés économiques régionales (CER). Ce que certains appellent le mal des CER inquiète sur le sort de l’organisation continentale puisque les CER en sont les piliers », s’alarmait Moussa Faki Mahamat mercredi. Sans la mentionner, le président de la Commission de l’UA fait référence à la récente crise qui frappe la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), suite à l’annonce du retrait de l’organisation régionale des régimes militaires en place dans les trois pays dirigés par des putschistes le 28 janvier.
Ces Etats sont déjà suspendus des organes de l’UA et donc absents du sommet d’Addis-Abeba. Des délégations des trois pays ont cependant fait le voyage dans la capitale éthiopienne pour rencontrer des acteurs en marge de la conférence. Leur rejet public des institutions régionales fait craindre un déclin progressif de l’autorité de l’UA, selon plusieurs cadres de l’organisation. En 2023, le Mali et le Burkina Faso avaient notamment refusé d’accueillir le président en exercice de l’UA, le Comorien Azali Assoumani.
Dans une autre région du continent, Moussa Faki Mahamat a pu, personnellement, faire l’amère expérience du recul de l’influence de l’UA. En avril 2023, il avait fait part de sa volonté de se rendre « immédiatement » dans la capitale soudanaise, Khartoum, afin de procéder à une médiation entre les deux généraux, Abdel Fattah Al-Bourhane et Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti ».
Un appel ignoré par les deux hommes forts du Soudan. Par la suite, l’organisation régionale est-africaine, l’IGAD, a contourné Moussa Faki Mahamat pour proposer sa propre médiation, qui s’est aussi concrétisée par un échec. En janvier, le Soudan s’est retiré de l’institution l’IGAD, dénonçant sa « partialité ».
Ce n’est pas la première crise de légitimité que traverse l’institution, mais « on parle aujourd’hui de conflits que l’Union africaine ne parvient pas à gérer à un moment où le continent court un risque accru de guerres entre Etats », note Liesl Louw-Vaudran, chercheuse spécialiste de l’UA pour l’International Crisis Group (ICG). Non seulement le bras de fer entre Kigali et Kinshasa menace de dégénérer dans l’est de la RDC, mais les pays de la Corne de l’Afrique – Ethiopie, Erythrée et Somalie – multiplient les actes hostiles.
Renforcer son autonomie financière
« Les Etats préfèrent protéger étroitement leurs prérogatives souveraines au lieu d’investir dans la sécurité collective », continue Liesl Louw-Vaudran, au risque de fragiliser l’Union africaine. Dernier exemple en date : les pressions du premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, en janvier, ont contraint l’UA à repousser des membres de son Conseil de paix et de sécurité dans la région du Tigré, censée vérifier la mise en œuvre du traité de paix, signé en novembre 2022.
N’en déplaise à Moussa Faki Mahamat, les organisations sous-régionales ne se considèrent pas comme des piliers de l’UA mais comme des institutions parallèles. La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a récemment déployé des troupes dans l’est de la RDC sans consulter le Conseil de paix et de sécurité de l’UA. En août 2023, la Cedeao avait initialement fait le choix de l’intervention militaire contre la junte nigérienne, faisant fi de la position de l’UA de rejet de la force – l’opération armée n’a finalement pas eu lieu.
En 2017, le président rwandais Paul Kagame avait posé le même constat de crise de gouvernance au moment d’entamer la réforme institutionnelle de l’UA, censée renforcer l’action de la Commission. Sept années plus tard, l’organisation panafricaine semble toujours patiner. Des atermoiements notamment dus au manque d’indépendance financière : les deux tiers de son budget proviennent encore de sources étrangères.
Minée par les divisions au sein du continent, l’UA parvient néanmoins à peser sur la scène internationale. En 2023, elle a rejoint le club du G20, en obtenant un siège de membre permanent. Signe de sa montée en puissance, l’organisation a aussi mis sur pied une mission de médiation de chefs d’Etat africains, qui s’est rendue à Kiev et Saint-Pétersbourg, sans vraiment peser sur le conflit en Ukraine.
Avec Le Monde

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