Face à Donald Trump, des dirigeants africains soumis et humiliés ?
Au début de décembre, le président des États-Unis a réitéré ses saillies racistes vis-à-vis de l’Afrique, en dénigrant ouvertement la Somalie.
Mais si cela ne surprend pas l’expert centrafricain en géopolitique, c’est bien le silence des élites africaines qui l’indigne et qui, selon lui, laisse à penser que le continent accepte d’être rabaissé et perçu comme un simple réservoir de ressources à exploiter et non un partenaire égal.
Les propos de Donald Trump sur les Somaliens sont venus nous rappeler, avec une brutalité inouïe, que le racisme s’exprime désormais sans filtre, sans vergogne, et même au sommet de la première puissance mondiale. En qualifiant la Somalie de « pays pourri » – et par extension tout ou partie de l’Afrique – Trump ne s’emploie pas seulement à asséner ses vieilles lubies xénophobes. Il apporte la confirmation que le système global hérité de la Seconde Guerre mondiale, établi à partir de l’antifascisme, du respect des droits humains et d’une certaine hypocrisie qui maintient les apparences dans les relations internationales, a volé en éclats. Donc, il ne s’agit nullement de simples insultes proférées par un homme qui exhale la puanteur du racisme et qui a fait de la provocation son fonds de commerce politique. C’est pire que cela.
Faut-il le rappeler ?
Le 2 décembre, le président américain s’en est violemment pris aux communautés somaliennes installées aux États-Unis, particulièrement celles de Minneapolis, qu’il a accusées de transformer des villes américaines en « zones de non-droit », les invitant à retourner d’où elles viennent. De la bouche de Trump, habitué à dénigrer les minorités, et qui joue régulièrement sur les craintes de la majorité blanche, ce n’est pas une nouveauté.
Ces propos font écho à ceux qu’il avait tenus en 2018 au sujet d’Haïti et de plusieurs pays africains, mais également à ses déclarations sur l’Afrique du Sud, dont il ne cesse d’évoquer un prétendu « génocide des fermiers blancs » sous un gouvernement noir, et sur le Nigeria, qu’il veut envahir pour protéger les chrétiens qui seraient, selon lui, persécutés par les musulmans.
En dénigrant ouvertement des communautés entières, le locataire de la Maison-Blanche normalise le fait que la hiérarchie raciale est désormais le moteur, sinon un outil majeur de politique étrangère. Autrement dit, chez lui, le racisme n’est plus un tabou, mais plutôt une arme pour remodeler les alliances. Il n’a pas uniquement ciblé les Somaliens, bien au contraire. Donald Trump attaque l’idée même d’une Afrique émergente, capable de contribuer à l’économie globale.
C’est aussi une façon pour lui de justifier l’isolationnisme américain, de rompre avec les engagements humanitaires des États-Unis et de favoriser des deals bilatéraux dans lesquels son pays impose sans concessions les termes du contrat.
Troublant mutisme de l’UA, des dirigeants africains et autres défenseurs du panafricanisme
Cela dit, si les propos du président américain choquent, le silence des dirigeants africains est tout aussi troublant. Même si, on le devine aisément, aucun État africain ne voudrait se mettre à dos le président américain, lequel menace de sanctions les pays qui osent le défier. Ce mutisme laisse pantois parce que le respect ne se négocie pas. D’autant que de plus en plus d’Africains réclament le respect et expriment leur indignation face aux humiliations que certains se plaisent à faire subir au continent. Ces citoyens ordinaires savent que le silence des élites perpétue un cycle de soumission dans lequel l’Afrique est perçue comme un simple réservoir de ressources à exploiter et non un partenaire égal.
Étrange, également, est le manque de réaction des pseudo-panafricains du numérique, ces anti-impérialistes des claviers qui pullulent sur les réseaux sociaux. Eux, qui se gargarisent de discours sur la souveraineté africaine, la décolonisation mentale et la lutte contre l’hégémonie occidentale. Curieusement, on ne les entend pas quand Trump vomit son mépris contre une communauté africaine.
Leur anti-impérialisme s’arrête-t-il aux portes de Washington ?
Plus grave est l’attitude de l’Union africaine (UA) qui, jusqu’ici, n’a pas levé son petit doigt. Alors qu’on s’attendait à ce que l’organisation continentale soit à la pointe de la riposte contre les propos de Donald Trump. Au lieu de cela, elle brille par son silence. Pourtant, une protestation collective, à la hauteur de l’affront, s’imposait. Car le manque de réaction de l’organisation panafricaine envoie un message clair : l’Afrique accepte d’être rabaissée.
Avec ses réserves colossales de cobalt, de lithium, de terres rares – des matières premières dont l’économie mondiale digitalisée a un besoin vital –, le continent tient les clés d’une transition écologique globale. Rien que pour cela, les Africains doivent être considérés comme des acteurs incontournables et respectés. Il suffirait que les pays producteurs de ces ressources décident de constituer un front uni pour exiger le respect, le rapport de force changerait du jour au lendemain. L’Afrique se doit d’adopter une « diplomatie des ressources » en conditionnant l’accès à ses matières premières à un respect mutuel.
Comme le dit un proverbe somalien : « Celui qui ne parle pas est piétiné. » Il est temps de parler, haut et fort, pour ne pas servir de paillasson aux autres.
JA

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