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Ce que femme veut … Bah Oury l’enterre (Tribune )

Ce que femme veut … Bah Oury l’enterre (Tribune )
0 commentaires, 15 - 10 - 2025, by admin

Par Ousmane Boh Kaba
Bah Oury parle bien. Trop bien. Il a cette éloquence des griots de cour, trop écoutés, trop encensés, qui finissent par croire qu’ils ont inventé le soleil.
À Kindia, il a lancé sa dernière symphonie : « Ce que femme veut, Dieu le veut. » Jolie formule, brillante et rassurante, digne d’un biscuit roulé acheté au China Mall. Pourtant, cette fois, Dieu doit bien se taper la cuisse. En Guinée, ce que femme veut, le pouvoir s’en moque avec un détachement presque insolent.
Les femmes veulent gouverner, on leur tend des foulards. Elles réclament des postes, on leur offre des selfies. Elles demandent la parité, on leur accorde un ministère de la “Promotion féminine”, un joli ruban posé sur une cage. Derrière cette appellation flatteuse se cache une idée simple : “On vous voit, mais pas trop haut, pas trop fort, pas trop vite.” C’est du féminisme de vitrine, cousu de wax et vide au fond. Les rôles principaux restent masculins, les femmes sont invitées aux cérémonies, rarement aux décisions.
Souvent, elles ne sont que deux ou trois sur trente-six ministres. Une présence symbolique dans un gouvernement qui prétend pourtant rompre avec les habitudes du passé. Le pouvoir préfère leur confier des postes de chefs de cabinet ou de conseillères techniques plutôt que des portefeuilles ministériels. On leur laisse les couloirs du pouvoir, jamais les salles où tout se décide. Ce choix en dit long : elles peuvent accompagner, mais pas diriger. Leur loyauté sert de caution, leur compétence reste sous tutelle.
La promesse de Bah Oury, grave et solennelle à ses débuts, s’est dissoute dans la communication. Sa parole, parfumée aux slogans et enveloppée de sourires, ne tient plus que par l’éclat des caméras. Elle sonne creux, pareille à une fleur fanée tendue pour la photo, sans parfum ni sève.
Pourtant, ce pays tient debout grâce aux femmes. Cette vérité, ancienne comme nos blessures, traverse toutes les crises. Quand la République vacille, ce sont elles qui recollent les morceaux. Elles tiennent les marchés, nourrissent les familles, paient les écoles, soignent les hommes, enterrent les morts et reprennent le combat. La Guinée survit grâce à leur force, mais continue de les appeler « piliers de la nation », un hommage figé, vidé de sens, qui tient plus du réflexe que de la reconnaissance.
En retour, elles reçoivent des promesses en carton. Bah Oury parle d’égalité avec la grâce d’un illusionniste. Il sort des mots brillants de son chapeau pour mieux dissimuler l’absence d’actes. Dans les coulisses du pouvoir, la parité est devenue un décor, un accessoire, un bijou de pacotille sur une main qui exclut sans hésiter. On capture leurs sourires pour mieux étouffer leurs voix. Pendant qu’elles chantent, les hommes rédigent les lois. Pendant qu’elles dansent, les nominations tombent sans elles.
L’histoire du pays en dit long. En 1953, Sékou Touré avait prêté serment sur la pierre de Beyla, jurant fidélité au peuple. Ce serment avait le poids de la terre et la gravité de la parole donnée. Aujourd’hui, les promesses se font sur des plateaux télé et s’effacent au générique. La foi a cédé la place à la communication, la pierre aux écrans, l’engagement à la mise en scène. Les femmes, elles, demeurent reléguées dans l’ombre.
Sous Sékou, elles défilaient pour la gloire du parti. Sous Conté, elles portaient les campagnes comme un fardeau. Sous Alpha Condé, elles ont encore cru à la parité promise. Résultat : quelques portefeuilles symboliques, des discours officiels et des médailles pour services rendus au silence. Bah Oury reprend la même recette, parfumée à la poudre aux yeux. On montre des femmes en pagnes assortis, pancartes à la main, réclamant la candidature de Doumbouya pour la prochaine élection. Leurs visages sincères deviennent l’affiche d’un scénario déjà écrit. Leur image sert de cache à leur absence.
Lorsqu’il s’affiche à côté de Lauriane Doumbouya, le tableau semble parfait : un couple élégant, apaisé, moderne. Derrière ce vernis, la réalité est moins flatteuse. La Première Dame, malgré elle, devient le paravent d’un patriarcat rénové. Une femme mise en avant pour mieux masquer les milliers d’autres qu’on exclut. C’est le tour de passe-passe du pouvoir : montrer une femme pour dissimuler qu’on les a toutes effacées.
La parité n’est ni un luxe, ni une faveur, ni un caprice. C’est une urgence démocratique. Aucun État ne peut prétendre à la justice en maintenant la moitié de son peuple au balcon. On ne construit pas l’émergence en se privant de la force la plus résiliente du pays. Les femmes ne veulent plus de fleurs. Elles veulent les clés. Pas des ministères “doux” jetés comme des miettes, mais les vrais portefeuilles : Finances, Défense, Énergie, Justice. Elles veulent être jugées sur leurs compétences, non sur leur silence. En Guinée, le silence est devenu la langue officielle de la loyauté, et trop souvent, ce sont les femmes qu’on éduque à le parler.
Bah Oury a une occasion unique de rompre ce cycle. Il peut redonner à la parole donnée son poids et à la politique son épine dorsale. Les femmes guinéennes ne demandent pas la charité, elles exigent ce qui leur revient. Elles ne veulent pas qu’on leur ouvre la porte, elles veulent les clés de la maison. Ce pays leur doit tout. Si le pouvoir continue à confisquer leurs voix pour chanter à leur place, elles écriront elles-mêmes la suite. Ce jour-là, ce ne seront pas les griots qui célébreront sa gloire, mais l’histoire qui récitera son oubli. Et l’histoire, fidèle à la pierre de Beyla, n’oublie jamais ceux qui trahissent leur parole.
La Guinée de demain se fera avec les femmes, ou elle ne se fera pas. Lorsqu’elles se lèveront enfin, ce ne sera pas pour chanter, mais pour régner. Ce jour-là, il n’y aura plus de fumée, il y aura du feu. Peut-être faut-il d’ailleurs plus que du feu. Peut-être faut-il brûler la façade et reconstruire l’ossature. Trop de gouvernements ont récité l’égalité tout en pratiquant la soumission. Trop de ministres fantoches ont brandi la parité comme un masque.
Le 21 septembre dernier, la nouvelle Constitution a gravé noir sur blanc la parité entre hommes et femmes. Le gouvernement actuel n’est pas seulement injuste, il est devenu obsolète. Il ne représente plus personne, et encore moins la moitié du pays. Le moment est venu pour les femmes de prendre la parole et la place. Non pour supplier ou quémander, mais pour exiger. Il faut la démission immédiate d’un gouvernement illégalement constitué, sourd aux réalités et muet sur les urgences. Un gouvernement de rupture, de justice et de parité réelle doit naître, conformément à la Constitution, à l’histoire et à la vérité.
La transition ne se fera pas sans les femmes. Elle ne se fera pas du tout. Que cela se dise, s’écrive et se crie dans les rues, les marchés et les consciences : ce que femme veut, le pouvoir enterre. Mais cette fois, ce que femme veut, femme prendra. Si Bah Oury croit encore que les mots suffisent à provoquer le miracle, qu’on lui rappelle doucement, avec un sourire au coin des lèvres : ce que femme veut… Dieu doit le signer.

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