Retrouvez en temps réel et en continu des infos inédites sur le site phare de la Guinée

Sous les louanges de Soulay Thiâ’nguel, le silence des oubliés !

Sous les louanges de Soulay Thiâ’nguel, le silence des oubliés !
0 commentaires, 21 - 8 - 2025, by admin

Par Talibé Diané
Dans son article intitulé « À Taban, un ban pour Mamadi Doumbouya », Soulay Thiâ’nguel déploie une plume certes poétique, mais surtout cynique, révélant des talents insoupçonnés… même ceux de flagorneur.
Par-delà les envolées lyriques, son texte ressemble davantage à une ode servile qu’à une analyse lucide d’un geste présidentiel ponctuel. Le président y est dépeint comme père, frère, sentinelle, presque saint. Mais derrière cette mise en scène compassionnelle, une autre Guinée hurle en silence.
Le théâtre de la bienveillance
Offrir une maison à une famille endeuillée, financer la scolarité d’orphelins, élever un journaliste décédé au rang de Chevalier du Mérite : voilà les actes que Soulay Thiâ’nguel érige en miracles républicains.

  • Mais depuis quand la charité ponctuelle supplante-t-elle la justice sociale ?
  • Depuis quand un geste isolé efface-t-il le silence assourdissant du Président sur les disparitions forcées, l’enlèvement et la torture d’un avocat respecté, ancien membre du CNT ?
  • Depuis quand un hommage suffit-il à faire oublier le silence présidentiel face au cri de peur et de détresse d’un opposant, inquiet pour sa sécurité, voire pour sa vie ; un cri lancé dans une lettre, certes politiquement naïve, mais profondément sincère et bouleversante, adressée au chef de l’État ?
Ce n’est pas de reconnaissance dont la Guinée a besoin. C’est de droits.
Une République sous bâillon
Tandis que Soulay Thiâ’nguel chante les louanges de la générosité présidentielle, des vies s’éteignent dans les geôles obscures de Conakry. Le journaliste Habib Marouane Camara a disparu en plein exercice de son métier, englouti par un système qui étouffe la vérité. Des familles, meurtries et sans repères, cherchent encore leurs proches : Foniké Menguè, Billo Bah, Saadou Nimaga… Des noms devenus cris dans le vide, sans réponse, sans justice. Et face à cette détresse, le silence assourdissant du même Président résonne comme un aveu.
Des opposants, contraints à l’exil, sont privés de leur droit fondamental d’être recensés comme citoyens, en violation flagrante des règles fixées par le gouvernement lui-même.
Et pourtant, l’article de Soulay Thiâ’nguel nous parle de baobabs, de lumière dans les yeux, de mains sur le cœur. Poétique, certes. Cynique, surtout.
Liberté d’expression : terrain miné
Le régime de Mamadi Doumbouya a suspendu des médias, censuré des radios, et interdit toute manifestation publique. Le décret du 13 mai 2022, interdisant les rassemblements, est toujours en vigueur. Les journalistes qui ne chantent pas les louanges du pouvoir sont traqués, intimidés, parfois emprisonnés.
Alors, lorsque Soulay Thiâ’nguel affirme que «?le Président de la République le fait sans forcer?», difficile de ne pas y voir une ironie mordante. Car justement, tout semble forcé : les silences pesants, les applaudissements mécaniques, les hommages convenus… jusqu’à ses propres louanges, récitées comme un devoir plutôt que ressenties comme une vérité.
Mérite ou manipulation??
Élever feu Daouda Taban Sylla au rang de Chevalier du Mérite est un geste noble. Mais dans un contexte où la presse est muselée, où un journaliste disparaît sans un mot du Président, cela ressemble à une tentative de récupération. On honore un journaliste mort, pendant qu’on bâillonne les vivants. Le pouvoir célèbre le mérite, mais uniquement celui qui ne dérange pas.
Une Guinée digne, pas docile
La vraie grandeur d’un président ne se mesure pas à sa capacité à offrir un toit à une famille endeuillée, mais à garantir à chaque citoyen un toit, une voix, une justice. La Guinée ne doit pas être gouvernée par des gestes symboliques, mais par des institutions solides, une presse libre, et un respect absolu des droits humains.
Soulay Thiâ’nguel nous offre un poème. Mais la Guinée, elle, réclame un cri. Un cri pour les disparus, pour les emprisonnés, pour les bâillonnés. Un cri pour que la République cesse d’être une scène de théâtre (domaine que l’auteur connait bien), redevienne une maison pour tous.
Et si le Président veut vraiment défendre la veuve et l’orphelin, qu’il commence par libérer la vérité.
Taliby Diané
Adjoint à la communication UFDG France

0 Commentaires

Publiez le 1er commentaire pour cet article !

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas mis en ligne. Les champs avec un * sont obligatoires.
ENVOYER