Enlèvement d'un ancien bâtonnier en Guinée : une atteinte frontale à l’État de droit en construction

Par Abou Maco
Avec les mesures fermes annoncées par le Barreau guinéen, une ligne rouge semble avoir été franchie dans le climat politique et sécuritaire actuel : l’enlèvement suivi de tortures infligées à l’ancien bâtonnier, Me Mohamed Traoré, ne saurait rester sans réponse.
Que les auteurs de cet acte inqualifiable aient agi pour le compte du pouvoir ou au nom d’intérêts adverses, le résultat est le même : ils nuisent profondément à l’image du CNRD et compromettent davantage une transition déjà mise à rude épreuve.
Réunis en assemblée générale ce lundi 23 juin 2025, les avocats de Guinée ont adopté trois mesures de riposte :
1. Suspension générale de toute activité judiciaire : Pour une durée de deux semaines, les avocats cesseront toute participation aux audiences dans l’ensemble des juridictions du pays, ainsi qu’aux convocations émanant des services de police judiciaire.
2. Désengagement institutionnel : Le Barreau a décidé du retrait immédiat de tous ses représentants des organes de la transition et des diverses commissions mises en place par les autorités actuelles.
3. Poursuites judiciaires et mécanisme de suivi : Une plainte sera déposée contre les auteurs et commanditaires présumés de l’enlèvement. Une commission ad hoc sera créée pour veiller au bon déroulement de la procédure.
Au-delà de l’indignation légitime que suscite une telle dérive, c’est la survie même du contrat social et républicain qui est en jeu. L’agression d’un ancien bâtonnier n’est pas vue comme une affaire individuelle : elle envoie un signal glaçant à tous ceux qui s’efforcent de défendre la loi, les libertés fondamentales et les institutions. En substituant la violence à la règle de droit, certains cherchent à instaurer un climat de terreur, dans lequel ni la justice, ni les contre-pouvoirs ne sont tolérés.
Dans un tel contexte, le silence devient complice, et la neutralité, suspecte. Si le CNRD veut conserver un minimum de légitimité nationale et internationale, il lui revient de condamner publiquement cet acte, d’en diligenter une enquête sérieuse et de s’en démarquer sans ambiguïté. Car tolérer l’intimidation des défenseurs des libertés, c’est accepter que l’État lui-même devienne le premier fossoyeur de la justice. C'est pourquoi le refus du ministre de la Justice face à la demande d'audience du Barreau est déplorable. Il aurait pu profiter de cette tribune pour défendre son gouvernement mais hélas.
Et ceux qui, fidèles à leurs habitudes, s’efforceront d’édulcorer la réalité devant le Général Mamadi Doumbouya ne lui rendront aucun service. Ni à lui, ni au CNRD, ni à la nation tout entière.
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