Retrouvez en temps réel et en continu des infos inédites sur le site phare de la Guinée

Le ministre des AE, Mamadi Touré: " nous n’acceptons pas que les diplomates étrangers fassent des déclarations publiques sur la situation politique de notre pays."

Le ministre des AE, Mamadi Touré:
0 commentaires, 10 - 5 - 2019, by admin

Une quarantaine d’ambassadeurs guinéens réunis pendant quelques jours en un seul lieu est un fait sans précèdent pour les Guinéens de moins de 30 ans. Les anciens eux, retrouvent le retour d’un rituel diplomatique qui permet de mieux porter la voix de la Guinée et défendre ses intérêts. L’enjeu est aujourd’hui économique. Le chef de l’Etat met la diplomatie au service de notre émergence économique. Alors quelles sont les implications de ce recadrage diplomatique ?
Des réponses avec notre invité Monsieur le ministre des Affaires Etrangères et des Guinéens de l’Etranger, Son Excellence Mamadi Touré.
Bienvenu Mr le ministre et félicitations pour cette grande conférence diplomatique.
Ministre Mamadi Touré : Merci.
C’est une tradition qu’on avait perdue…
Ministre Mamadi Touré : Que l’on retrouve fort heureusement.
Mr le ministre des Affaires Etrangères, dans votre lettre de mission, vous avez été chargé en priorité de l’organisation d’une conférence diplomatique en vue de promouvoir une diplomatie de développement
.
Après la conférence, est-ce qu’on peut parler de changement de politique extérieure ?
Ministre Mamadi Touré : Ce n’est pas a proprement dit un changement de politique étrangère mais il s’agit de recalibrer les priorités et les mettre en adéquation avec les besoins de développement de notre pays. En clair, il ne s’agit pas de changement de politique étrangère, mais un recadrage. Parce que depuis l’accession du président Alpha Condé à la magistrature suprême, il a fait du développement une des grandes priorités. Donc il va falloir que la diplomatie soit en adéquation avec cette priorité.
Quand vous parlez de recadrage, est-ce dire qu’il faut plus d’économie et moins de politique où la Guinée a excellé dans les années 60, 70 jusqu'aux années 80?
Ministre Mamadi Touré : D’abord les temps ont changé. Durant les premières années d’indépendance, il était question de la libération du continent et de l’émancipation du continent africain. Dans ce combat, la Guinée a joué un rôle de pionnier en aidant les pays à obtenir leur indépendance et en consentant des sacrifices énormes tant humains, politiques, économiques que financiers. Aujourd’hui le monde est en perpétuel changement. Le continent est certes libéré politiquement mais pas tout a fait économiquement. Il va s’en dire alors qu’il y a des priorités économiques auxquelles il faut s’attacher. D’où le besoin de réorienter la politique étrangère vers ces priorités économiques.
Et pour déclencher le top départ, vous avez battu le rappel de tout ce qu’on a comme représentations dont 36 ambassades, 3 missions permanentes et 4 consulats généraux.

Est-ce suffisants aujourd’hui en terme de dispositifs pour répondre à ce besoin de mobilisation des ressources pour les mettre au service de notre émergence ?
Ministre Mamadi Touré : Une des recommandations est l’optimisation de la présence diplomatique de la Guinée à l’étranger. C’est vrai qu’aujourd’hui nous avons 36 ambassades, 3 missions permanentes et 4 consulats généraux qu’il faut optimiser. N’empêche que s’il y a besoin d’avoir une présence diplomatique de la Guinée dans d’autres il faudra y penser. On peut aussi réduire la présence diplomatique en tenant compte de nos priorités de développement. D’où la nécessité de voir dans quels pays il y a plus d’opportunités d’investissement pour y orienter l’ouverture des ambassades. Comme je l’avais dit à la conférence, avec le Pr Alpha Condé on a beaucoup diversifié et renforcé notre partenariat en ouvrant des nouvelles ambassades, notamment auprès des pays émergents.
Le dispositif là pour le moment est donc suffisant pour espérer tirer quelque chose de la diplomatie ?
Ministre Mamadi Touré : Justement ce sont les recommandations qui vont nous indiquer si on a besoin d’augmenter ou de réduire le nombre. Cela doit se faire uniquement en fonction des priorités de développement.
Aujourd’hui qu’est-ce que les ambassades peuvent apporter à la Guinée ?
Ministre Mamadi Touré : J’ai demandé à tous les ambassadeurs avant la conférence diplomatique de nous faire parvenir les informations sur les possibilités d’investissements publics et privés dans leurs juridictions et aussi la disponibilité de fenêtres de financement. Ces documents nous sont effectivement parvenus et ont été mis à la disposition de tous les ministres du gouvernement pour qu’ils voient les opportunités qu’il y a dans ces pays. Les départements ministériels verront à la lumière de ces informations ce que les ambassades peuvent faire pour eux. C’est à partir delà qu’on va développer une feuille de route pour toutes les ambassades dans laquelle on indiquera ce quelles doivent faire spécifiquement dans leurs juridictions pour satisfaire les besoins.
La Guinée a un Programme de développement économique et social (PNDES), le financement ne pose plus de problèmes, on a dépassé cela, on se demande maintenant qu’est-ce que les ambassades ont encore à apporter ?
Ministre Mamadi Touré : Il suffit d ‘avoir de l’argent en vue de faire l’expertise pour diversifier les domaines dans lesquels ces investisseurs peuvent intervenir.
Sauf que le président s’inquiète souvent de l’attitude même de nos services diplomatiques en terme de connaissance du pays et de ses besoins
Ministre Mamadi Touré : Effectivement le président de la République en avait fait cas. Il a dit qu’après la conférence nous allons revoir la présence diplomatique pour permettre aux ambassades d’avoir un personnel diplomatique bien calibré. Choisir des personnes avec un certain profil en fonction des pays et des opportunités.
De nouvelles orientations en se basant sur le principe gagnant-gagnant mais aussi ces éléments habituels à savoir le respect mutuel, la non-ingérence dans les affaires intérieures qui ont toujours caractérisé la diplomatie guinéenne.
En retour est-ce que la Guinée veille aussi à ce que d’autres ne se mêlent pas de ses affaires intérieures ?
Ministre Mamadi Touré : Absolument. Il y a les conventions de Vienne sur la diplomatie. C’est pourquoi nous demandons à tous les diplomates accrédités en Guinée de se conformer aux conventions de Vienne, notamment la non-ingérence dans les affaires intérieures. Ils peuvent suivre les développements politiques dans notre pays et les communiquer à leurs gouvernements par des canaux spéciaux de communication. Mais nous n’acceptons pas que les diplomates étrangers fassent des déclarations publiques sur la situation politique dans le pays parce que nos diplomates n’en font pas chez eux.
Justement est-ce que ce problème a été par exemple abordé durant cette conférence diplomatique ?
Ministre Mamadi Touré : Bien sûr qu’on a rappelé les conventions de Vienne.
Mais Mr le ministre pratiquement en longueur de mois ou d’événements on suit les diplomates qui se prononcent sur nos affaires intérieures…
Ministre Mamadi Touré : On mettra fin à cela.
Un autre aspect Mr le ministre, vous êtes chargé de la conception et de la mise en œuvre de la politique étrangère du gouvernement, mais aussi il y a le volet assurer la protection des droits des Guinéens vivant à l’étranger et ainsi que leurs biens.

Aujourd’hui il y a la situation des Guinéens dans certains pays qui nécessite l’intervention de l’Etat comme en Angola, le Koweït, les Etats-Unis voire même la France. Que répondez-vous à cela ?
Ministre Mamadi Touré : D’abord je vais apporter une petite correction. C’est le président de la République qui conçoit la politique de la diplomatie guinéenne. Il est l’architecte en chef de notre diplomatie. C’est sa diplomatie qu’on met œuvre. Il confie la responsabilité au ministre de poursuivre sa diplomatie.
Ceci étant, vous avez mentionné la situation des Guinéens à l’étranger. Ce n’est pas aussi simple comme les gens le pensent. Parce que j’entends souvent des compatriotes ou certains leaders politiques dire qu’est-ce que l’ambassade fait ou le ministre des Affaires Etrangères fait pour les Guinéens à l’étranger. Ce n’est pas aussi simple que ça.
D’abord il y a la souveraineté du pays d’accueil. Ensuite nos compatriotes ne se font pas recenser systématiquement là où il y a des ambassades guinéennes.

Peut-être ils ne sont pas informés…
Ministre Mamadi Touré : Ils doivent le savoir. Quand un citoyen vient dans un pays il doit se demander est-ce qu’on a une ambassade. Ça c’est la responsabilité du citoyen. Dans ce cas, le citoyen doit venir se faire recenser. Ainsi l’ambassade saura que tel Guinéen est dans telle ville. Ensuite, il doit chercher à régulariser sa situation dans le pays d’accueil.
Dans le cas de l’Angola par exemple, on a beaucoup de ressortissants mais l’ambassade ne sait même pas il y a combien de Guinéens parce qu’ils ne se font pas recenser.
Pire. Les autorités angolaises ne savent même pas combien de Guinéens vivent en Angola et qui plus est, nos compatriotes sont souvent dans des activités qui sont interdites aux angolais eux-mêmes. Cela nous met dans des situations extrêmement difficiles. L’ambassade ne sait pas combien de Guinéens vivent en Angola. Combien sont en prison ?
A cela il faut ajouter le problème de moyens. Si on doit rapatrier des compatriotes il faut que le ministère des Affaires Etrangères et l’ambassade, aient les moyens. Nous avons souvent été aidés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour financer le rapatriement. D’autres partenaires aussi nous aident. Pour faciliter la tache aux autorités, il faut que nos compatriotes prennent l’habitude d’aller se faire recenser dans les ambassades.
Un Guinéen en difficulté, recensé ou pas et qui a besoin de l’aide, qu’est-ce que vous pouvez faire pour lui ?
Ministre Mamadi Touré : Il faut qu’on trouve les moyens. Ce n’est parce qu’ils ne se sont pas faits recenser qu’on ne va pas les aider. Il faut qu’ils nous aident et qu’on ait les moyens pour les rapatriés.

Est-ce que ces problèmes de moyens ont été discutés lors de cette conférence, parce qu’au-delà de ce problème de recensement, souvent dans les ambassades on leur ferme la porte, ils ont même des problèmes pour avoir des passeports ou des visas ?
Ministre Mamadi Touré : les passeports guinéens ?
Oui…
Ministre Mamadi Touré : D’abord pour commencer, le passeport guinéen n’est pas sous la responsabilité du ministère des Affaires Etrangères mais plutôt du ministère de la sécurité.
Il y a un moment vous parliez de l’évolution du monde, les autres ambassades des pays autour de nous le font. Nous, nous avons du mal à donner les passeports à nos compatriotes…
Ministre Mamadi Touré : Nous en avions discuté dans la commission juridique et consulaire. C’était pour voir de quelle façon on peut recueillir les empruntes à l’étranger et les faire venir à Conakry. Il y a un ambassadeur qui en a parlé. Nous avons même l’intention de faire venir l’équipe en charge des passeports devant la commission pour nous expliquer comment elle peut le faire sans que les Guinéens de l’étranger n’aient à se déplacer jusqu'à Conakry pour faire leurs passeports ou bien envoyer une mission à l’étranger.
Je vais vous rappeler qu’il y a quelque temps des missions qui sont allées en Europe, aux Etats-Unis et dans d’autres endroits ont coûté très chères. L’approche qui va être proposée, va certainement nous permettre de faire certaines étapes à l’extérieur, amener les données à Conakry et ensuite délivrer les passeports aux titulaires.
C’est coûteux et chers. Sauf que le potentiel économique là-bas est énorme. Le nombre de guinéens vivant à l’étranger qui peuvent apporter à la Guinée est considérable.

Et aujourd’hui comme l’orientation est économique, est-ce que le jeu ne vaut pas la chandelle ?
Ministre Mamadi Touré : J’ai été ambassadeur représentant permanent de la Guinée aux Nations Unies pendant six ans. Quand on parlait de passeport on avait l’impression qu’il y avait un engouement. Que presque tous les Guinéens aux Etats-Unis cherchaient un passeport. La mission est partie et l’ambassadeur d’alors à Washington, Mamadi Condé, était avec moi. Il n’y avait pas d’engouement, et ce pour plusieurs raisons. Il y a ceux qui ont des passeports américains et ceux qui ne veulent pas se faire identifier. Car une fois qu’ils sont identifiés dès qu’ils ont des problèmes et qu’on veuille les rapatriés c’est facile. Donc pour plusieurs raisons ils peuvent refuser de venir se faire recenser. Nous avons été même, obligés de prolonger le temps de la mission des techniciens et c’est notre ambassade à New York qui a été obligée de prendre cette extension en charge en les logeant. Mais peu sont venus pour prendre leurs passeports. C’est pourquoi l’ambassadeur Mamadi Condé et moi avons décidé d’envoyer la mission à l’intérieur des Etats-Unis. Nous avons choisi deux Etats où il y avait beaucoup de Guinéens, Atlanta et Ohio pour nous rapprocher d’eux. Mais il n’y avait pas d’engouement.
Pour autant, ceci n’était pas une raison pour qu’on ne travaille pas pour leur faciliter l’obtention de leurs passeports.
Le potentiel est énorme en terme d’investissement et le chef de l’Etat travaille à ramener ces Guinéens au pays…
Ministre Mamadi Touré : Absolument. Il faut qu’on travaille avec la diaspora car c’est une composante très importante. Non seulement en terme économique mais aussi en terme social. Les Guinéens de l’étranger apportent beaucoup en matière de transferts de fonds et même dans le développement des infrastructures à l’intérieur du pays. Ils construisent des écoles, des dispensaires et des mosquées. Il faut les canaliser. Et ça c’est une des responsabilités de notre ministère de créer les meilleures conditions possibles pour qu’ils puissent contribuer efficacement au développement économique et social de notre pays.
Intéressons-nous aux Guinéens de l’intérieur qui ont besoin dès fois de sortir du pays. La préoccupation de ces Guinéens aujourd’hui c’est comment accéder aux visas
.
Est-ce que votre département s’investit dans ce sens là pour ne pas que certaines ambassades représentées chez nous continuent à livrer ces visas dans des conditions humiliantes ?
Ministre Mamadi Touré : Nous y travaillons. Nous avons plusieurs fois convoqué des diplomates étrangers qui créent beaucoup de problèmes aux Guinéens pour l’obtention de leurs visas. Quoique l’accès à leurs pays relève de leur souveraineté, ils devraient nous faciliter l’obtention de leurs visas sans humiliations au même titre que nous leur facilitons l’accès à notre pays. D’ailleurs nous avons eu des entretiens que je n’ai pas à divulguer ici, mais nous allons très bien tôt prendre des mesures sur ce plan.
Axer et orienter beaucoup de choses sur l’économie, est-ce que vous n’avez pas aussi le sentiment, en parlant de facilité, que la Guinée est entrain de perdre certains avantages ? Je parle du cas du Maroc et de certains pays où le statut Guinéen avait beaucoup de facilité.
Ministre Mamadi Touré : En ce qui concerne le Maroc, j’avais longuement échangé d’abord avec le ministre des Affaires Etrangères et ensuite avec l’ambassadeur. Tous les deux m’avaient rassuré qu’il ne s’agisse pas d’un visa mais plutôt de quête d’informations sur celui qui veut aller au Maroc. Quand il y a exemption de visa ils ne pourront pas avoir d’informations sur le visiteur. Tels que les jeunes qui vont au Maroc. Les autorités marocaines ne savent pas où ils sont. Ont-ils continué ou sont-ils restés au Maroc ? Autrement le Maroc est-il un pays de transit ou un pays d’accueil pour ces jeunes visiteurs ? Voici les informations que les marocains veulent savoir.
L’ambassadeur marocain m’avait fait remarquer également que dans la même semaine, 20 à 40 Guinéens peuvent donner la même adresse d’habitation. Après vérification, les autorités marocaines découvrent qu’ils ne sont pas à cette adresse. Donc l’ambassadeur m’a rassuré que ce n’était pas un visa, mais qu’ils ont besoin d’informations.
Nous allons voir comment ça se passera en pratique. Ce qui est sûr, c’est que ça ne s’applique ni au passeport diplomatique ni au passeport de service et encore moins aux personnes d’un certain âge. Il y a une tranche d ‘âge qui est ciblée.

Mr le ministre, à l’issue de cette conférence diplomatique avec ces retrouvailles, est-ce que nos représentations diplomatiques seront soumises à des évaluations ?
Ministre Mamadi Touré : Absolument. Vous avez entendu le président de la République dans son discours d’ouverture de la conférence à s’engager à améliorer les conditions de vie et de travail des diplomates. Mais cela va s’accompagner nécessairement d’une évaluation pour connaître la performance des diplomates. D’abord nous voulions qu’au sortir de cette conférence diplomatique qu’on ait une idée claire. Et c’est ce qui est arrivé avec la vision et les orientations qu’on a reçues du président de la République. Car cela nous a permis de faire beaucoup de projets de recommandations qui lui seront soumis. Ensuite il va falloir actualiser et mettre à jour les textes règlementaires, notamment la carrière diplomatique. Pour cela, il faut qu’on opérationnalise le centre de formation.
Assurer la formation aux nouveaux diplomates et la formation continue à ceux qui sont déjà en exercice. Comme le président Alpha Condé l’a si bien dit, le monde change et donc les diplomates doivent parler les langues étrangères.

L’évaluation va-t-elle porter sur la mobilisation des investisseurs ?
Ministre Mamadi Touré : Les résultats que nous attendons de cette conférence sont la formation et l’amélioration des conditions de vie et de travail. Je vous avais dit tantôt que les ambassadeurs nous ont transmis des opportunités d’investissements publics et privés et la disponibilité des fenêtres de financement. Aussi quelques ministres sont venus faire une présentation aux ambassadeurs. Avec ça nous allons développer les termes de référence des ambassades. Qu’est-ce quelles doivent faire pour la Guinée dans la mise en œuvre dans le cadre du PNDES ?
Puisque le président de la République l’a dit, notre diplomatie sera désormais réorientée vers la diplomatie économique et c’est sur cette base que tous les diplomates seront évalués. C’est ce qui a changé.

Merci Mr le ministre !
Interview réalisée par Aboubacar Camara
Transcrite par Bangaly Condé “Malbanga

0 Commentaires

Publiez le 1er commentaire pour cet article !

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas mis en ligne. Les champs avec un * sont obligatoires.
ENVOYER